Avant première Static shot.
Pour cet évènement inédit, assistez à la première représentation publique de la création de Maud Le Pladec pour le CCN - Ballet de Lorraine, quelques jours avant d'être présentée en tournée à Orléans. La représentation sera suivie d'un temps d'échanges avec des danseurs de la compagnie.
"STATIC SHOT est mon prochain projet chorégraphique imaginé pour les danseurs du Ballet de Lorraine. Cette pièce qui verra le jour en 2020 repose sur une expérience artistique forte vécue pour la première fois il y a quelques mois : la rencontre de la danse avec le cinéma. En effet, la réalisatrice Valérie Donzelli m’a invitée à participer et collaborer sur son long métrage, «Notre-Dame », fiction dansée qui sortira sur les écrans la saison prochaine. Si cette expérience m’enthousiasmait d’un point de vue à la fois personnel et artistique, je n’avais pas imaginé à quel point celle-ci serait révélatrice d’un désir nouveau et pressant de questionner ma pratique à travers le 7ème art. Loin de moins l’idée d’introduire la projection d’images dans mes pièces. Non, c’est surtout à un niveau sensible mais aussi conceptuel et intellectuel que le choc a opéré. Les résonances de cette nouvelle expérience esthétique m’ayant permis d’ouvrir une réflexion autour du corps et de ses représentations, mais aussi, de continuer à creuser ma recherche sur le mouvement dansé."
LE DISPOSITIF D’UN CINEMA VIVANT
Dans mon travail, je situe la danse du côté de l’abstraction et de la composition, ma recherche étant guidée par une forme de logique de la rationalité: les partitions, les combinaisons, les algorithmes prônent sur une approche purement subjective et empirique. Des mots comme fiction, narration, récit, images, situation, personnages, histoires, caractères, émotions (…) appartenant peu ou prou à mon vocabulaire et au champ lexical de ma création. Pourtant, la danse est une véritable usine à fiction ! Et si cette dernière a rencontré le cinéma tout au long de ces dernières décennies, c’est bien parce qu’elle crée la promesse de l’avènement d’un nouveau corps: un corps en devenir, un corps à construire, un corps qui se fait et se défait, un corps qui se transforme, un corps qui se représente. A partir de là, se pose alors ces questions : comment envisager la rencontre de deux médiums si proches et pourtant si différents que sont le cinéma et la danse ? Et surtout selon quelles modalités ? Où déterminer le point de regard ?
Pour STATIC SHOT, j’imagine un dispositif scénique bien spécifique, entre pièce chorégraphique, installation scénique et dispositif cinématographique, la pièce se montre tel un plan fixe ou plan séquence, un huis clos ou encore un cadre fixe dans lequel la « caméra », ici le mouvement et le regard, ne s’arrêtent jamais. Un voyage immobile en quelque sorte. La plasticité des images, la représentation des corps mais aussi l’énergie et les flux seront constitutifs de cette scène dont la danse, d’une extrême précision et d’une haute intensité, ne quitte jamais son apogée. Les nuances, allant du mezzo forte au fortississimo, feront de cette pièce un crescendo permanent, invitant les spectateurs à participer à une extase sans fin.
La dramaturgie de la pièce, pensée comme un « bloc » de corps, d’images et de sons, ne comprendra ni début, ni milieu, ni fin. Tel un climax permanent, le groupe de danseurs (que j’imagine entre 18 et 24 personnes pour le moment) tiendra ensemble ce point culminant, l’énergie devant toujours se trouver à son zénith. Comment se pense alors la question de la tension, de l’extase, de la jouissance ensemble ? Mais aussi du relâchement, de la respiration ou de la disparition ? Dans STATIC SHOT tout racontera les corps, comment ils interagissent, comment ils n’arrivent pas à interagir, comment ils excèdent, comment ils se meuvent, comment ils vivent ou survivent, comment ils s’abandonnent, comment ils s’attirent, comment ils se mêlent, comment ils s’entrechoquent, comment ils transpirent, comment il se transforment, comment ils ne meurent pas (…) Derrière un pitch ou situation simple, soit une scène de panique, une fête ou encore un rassemblement (…) se trouveront des questions plus complexes: « que se passe t’il si j’ai trop de plaisir ? « qu’est-ce que « l’angoisse de l’extase »? « Et si le plaisir devenait un motif de tension ? » (…) La danse pouvant raconter les changements autant que des préservations d’états."
Maud Le Pladec