La Ville de Nancy présente du 4 septembre 2024 au 2 février 2025 au Musée de l'École de Nancy une exposition, "Verre et faïence". Elle met en lumière les nouvelles acquisitions d'œuvres en verre et en céramique d'Emile Gallé réalisées depuis 10 ans. Elles illustrent tout le talent créatif du chef de file de l'Ecole de Nancy, la diversité de ses répertoires et de ses recherches techniques de 1880 à 1903.
Une grande partie des œuvres exposées est le résultat de dons successifs de propriétaires privés, soucieux de voir ces œuvres rejoindre une collection publique ou attachés à les voir réunies à leurs semblables. Tous ont contribué à enrichir une collection de référence, unique en France.
Cette présentation est proposée alors que l’on commémore le 60e anniversaire de l’ouverture du musée de l’École de Nancy et le 120e anniversaire du décès d’Émile Gallé. C'est l’occasion pour la Ville de Nancy de remercier tous ceux qui contribuent ainsi et avec générosité à la connaissance et à la diffusion de l’œuvre des artistes nancéiens de l’Art nouveau.
Les verreries
Salle des verres au rez-de-chaussée
Caractéristiques de la production des pièces d’Émile Gallé réalisées à la verrerie de Meisenthal dans les années 1880-1890, les carafes et le vase persan, présentent un style décoratif simple, composé de motifs appliqués à l’émail coloré. Le motif du vase illustre le goût du verrier pour l’art islamique, à qui il emprunte les motifs d’arabesques, de rinceaux mais aussi de figures humaines.
Les vases réalisés après 1894 montrent un changement profond dans la manière d’envisager l’œuvre. Grâce à l’ouverture d’une halle verrière au sein de ses ateliers, Émile Gallé donne une nouvelle impulsion à sa production. Le décor n’est plus pensé comme une ornementation appliquée sur une forme interchangeable, mais comme la base à partir de laquelle l’artiste conçoit la pièce. Le choix des techniques employées (couches superposées, marqueterie, applications, gravure, inclusions…) permet d’aller vers toujours plus de symbiose entre l’objet et son modèle naturel.
Parmi ces pièces, on pourra noter le précieux vase à décor de paysage, dans des tonalités sombres, qui rappelle une série des vases réalisée à la fin de la carrière de Gallé, vers 1902 – 1904. Il a été acquis lors de la dispersion de la collection de la Société industrielle de Mulhouse, en novembre 2023. Il faisait partie d’un ensemble de 11 verreries, sélectionné par Henriette Gallé-Grimm dans le fonds de l’usine d’art en 1911 pour une exposition organisée par la Société des Arts de Mulhouse. Il a ensuite été offert « par un groupe d’amateur » et la veuve de l’artiste à la Société industrielle de Mulhouse.
1er étage, salle de bains, dans la vitrine Fougères
À l’étage, on peut découvrir deux autres vases d’exception : un vase portant une dédicace à la comédienne Sarah Bernhardt et un grand vase à décor de chêne.
Le premier évoque le milieu intellectuel et artistique dans lequel évolue Émile Gallé, en particulier au moment de l’Affaire Dreyfus. Dédicacé à la tragédienne, dreyfusarde de la première heure et rencontrée en 1896, le vase fait de subtiles allusions à l’hostilité à laquelle doit faire face Sarah Bernhardt, non seulement parmi le public anonyme, mais aussi au sein de son milieu artistique et de sa famille. Ses tonalités noires s’opposent à la citation de Shakespeare, « De la lumière/ de la lumière / Hamlet », appelant de ses vœux le triomphe de la justice et de la vérité sur l’obscurantisme.
Le vase calice chêne lorrain provient de la famille d’un industriel nancéien de confession juive, Edouard Spire, que Gallé a pu rencontrer au sein de la Ligue des droits de l’Homme et du Citoyen. Il appartient lui aussi au corpus des œuvres dreyfusardes de l’artiste. Ainsi que l’énonce la citation gravée dans le décor, le vase fait référence à la haine et à la violence engendrées par l’affaire au sein de la société française.
Les céramiques
1er étage, passage, vitrine des céramiques
Lorsqu’il reprend la direction de l’entreprise familiale, Émile Gallé collabore avec la manufacture faïencière de Saint-Clément pour l’édition des services de table et des pièces de forme. L’artiste y trouve un savoir-faire et une collection de moules précieux, qu’il exploite jusqu’à l’installation de ses propres ateliers de céramique à Nancy en 1885.
Le musée conserve une collection assez représentative de ce domaine d’activité, mais finalement assez peu de pièces portant la signature de Saint-Clément. La curieuse paire de vases en forme de coloquinte ou la jardinière au décor de paysages lacustres et motifs floraux illustrent la multiplicité des recherches de l’artiste dans ses débuts : motifs naturalistes, décors traditionnels, goût pour l’Orient… La production de céramique est fidèle à l’éclectisme ambiant. La production de petits animaux comme le lapin sera d’ailleurs l’un des grands succès de la maison Gallé. Cette pièce, offerte au musée en 2022, présente un assemblage postérieur entre un porte-bouquet (le lapin) et un vide-poche à décor de fleurs et des inscriptions relatives à l’Annexion de l’Alsace-Moselle, thème privilégié de la production de ces années là. Il vient rejoindre un chat et un bouledogue !
Dans un tout autre registre, la jardinière, entrée en 2014 présente un décor à effets de coulée et témoigne des recherches menées par Gallé sur la superposition d’émaux de teintes et d’opacité différentes, afin de renouveler ses propositions.